•      Avant la Controverse de Valladolid, de nombreuses batailles ont eu lieu entre les indiens et les occidentaux. Le 30 août 1498, Colomb arrive à Hispaniola qu'il trouve au bord de la guerre civile, déchirée entre les partisans de Bartolomeo Colomb (les «étrangers») et ceux du juge Roldan (Espagnols de « limpia sangre ») et par les Indiens révoltés contre la tyrannie de Bartolomé. Le 7 juillet 1520, Cortés, un conquistador espagnol, gagne une bataille contre les Aztèques à Otumba.

     


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  •      La controverse de Valladolid est un débat qui opposera essentiellement Las Casas et le théologien Juan Ginès de Sépulvéda (1490-1573) : c'était un homme d'église espagnol, un écrivain, un historien et un philosophe. Le débat a eu lieu en 1550, il réunissait des théologiens, des juristes et des administrateurs du royaume pour parler de la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde.

     


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  •      Extrait :     -Éminence, les habitants du Nouveau Monde sont des esclaves par nature. En tout point conformes à la description d'Aristote.

    -Cette affirmation demande des preuves, dit doucement le prélat.

    Sépulvéda n'en disconvient pas. D'ailleurs, sachant cette question inévitable, il a préparé tout un dossier. Il en saisit le premier feuillet. 

    -D'abord, dit-il, les premiers qui ont été découverts se sont montrés incapables de toute initiative, de toute invention. En revanche, on les voyait habiles à copier les gestes et les attitudes des Espagnols, leurs supérieurs. Pour faire quelque chose, il leur suffisait de regarder un autre l'accomplir. Cette tendance à copier, qui s'accompagne d'ailleurs d'une réelle ingéniosité dans l'imitation, est le caractère même de l'âme esclave. Âme d'artisan, âme manuelle pour ainsi dire.

    -Mais on nous chante une veille chanson ! s'écrire Las Casas. De tout temps les envahisseurs, pour se justifier de leur mainmise, ont déclaré les peuples conquis indolents, dépourvus, mais très capables d'imiter ! César racontait la même chose des Gaulois qu'il asservissait ! Ils montraient, disait-il, une étonnante habileté pour copier les techniques romaines ! Nous ne pouvons pas retenir ici cet argument ! César s'aveuglait volontairement sur la vie véritable des peuples de la Gaule, sur leurs coutumes, leurs langages, leurs croyances et même leurs outils ! Il ne voulait pas, et par conséquent ne pouvait pas voir tout ce que cette vie offrait d'original. Et nous faisons de même : nous ne voyons que ce qu'ils imitent de nous ! Le reste, nous l'effaçons, nous le détruisons à jamais, pour dire ensuite : ça n'a pas existé ! 

    Le cardinal, qui n'a pas interrompu le dominicain, semble attentif à cette argumentation nouvelle, qui s'intéresse aux coutumes des peuples. Il fait remarquer qu'il s'agit là d'un terrain de discussion des plus délicats, où nous, risquons d'être constamment ensorcelés par l'habitude, prise depuis l'enfance, que nous avons de nos propres usages, lesquels nous semblent de ce fait très supérieurs aux usages des autres.

    -Sauf quand il s'agit d'esclaves-nés, dit le philosophe. Car on voit bien que les Indiens ont voulu presque aussitôt acquérir nos armes et nos vêtements.

    -Certains d'entre eux, oui sans doute, répond le cardinal. Encore qu'il soit malaisé de distinguer, dans leurs motifs, ce qui relève d'une admiration sincère ou de la simple flagornerie. Quelles autres marques d'esclavage naturel avez-vous relevées chez eux ? Sépulvéda prend une liasse de feuillets et commence une lecture faite à voix plate, comme un compte rendu précis, indiscutable : -Ils ignorent l'usage du métal, des armes à feu et de la roue. Ils portent leurs fardeaux sur le dos, comme des bêtes, pendant de longs parcours. Leur nourriture est détestable, semblable à celle des animaux. Ils se peignent grossièrement le corps et adorent des idoles affreuses. Je ne reviens pas sur les sacrifices humains, qui sont la marque la plus haïssable, et la plus offensante à Dieu, de leur état.

    Las Casas ne parle pas pour le moment. Il se contente de prendre quelques notes. Tout cela ne le surprend pas.

    -J'ajoute qu'on les décrits stupides comme nos enfants ou nos idiots. Ils changent très fréquemment de femmes, ce qui est un signe très vrai de sauvagerie. Ils ignorent de toute évidence la noblesse et l'élévation du beau sacrement du mariage. Ils sont timides et lâches à la guerre. Ils ignorent aussi la nature de l'argent et n'ont aucune idée de la valeur respective des choses. Par exemple, ils échangeaient contre de l'or le verre cassé des barils.

    -Eh bien ? s'écrie Las Casas. Parce qu'ils n'adorent pas l'or et l'argent au point de leur sacrifier corps et âme, est-ce une raison pour les traiter de bêtes ? N'est-ce pas plutôt le contraire ? 

    -Vous déviez ma pensée, répond le philosophe.

    -Et pourquoi jugez-vous leur nourriture détestable ? Y avez-vous goûté ? N'est-ce pas plutôt à eux de dire ce qui leur semble bon ou moins bon ? Parce qu'une nourriture est différente de la nôtre, doit-on la trouver répugnante ?

    -Ils mangent des œufs de fourmi, des tripes d'oiseau...

    -Nous mangeons des tripes de porc ! Et des escargots !

    -Ils se sont jetés sur le vin, dit Sépulvéda, au point, dans bien des cas, d'y laisser leur peu de raison.

    -Et nous avons tout fait pour les y encourager ! Mais ne vous a-t-on pas appris, d'un autre côté, qu'ils cultivent des fruits et des légumes qui jusqu'ici nous étaient inconnus ? Et que certains de leurs tubercules sont délicieux ? Vous dites qu'ils portent leurs fardeaux sur le dos : ignorez-vous que la nature ne leur a donné aucun animal qui pût le faire à leur place ? Quant à se peindre grossièrement le corps, qu'en savez-vous ? Que signifire le mot "grossier" ? 

    -Frère Bartolomé, dit le légat, vous aurez de nouveau la parole, aussi longtemps que vous le voudrez. Rien ne sera laissé dans l'ombre, je vous l'assure. Mais pour le moment, restez silencieux. 

     

    Analyse littéraire : 

          Tout d'abord, les indiens d'Amérique sont comparés à des animaux par Sépulvéda avec par exemple "semblable à celle des animaux". Il démontre également son dégoût envers cette culture différente de la sienne avec "adorent des idoles affreuses" et "la marque la plus haïssable, et la plus offensante à Dieu". L'idée qu'une autre religion puisse exister ne lui traverse pas l'esprit. La seule qualité qu'il énonce est leur capacité "à copier les gestes et les attitudes des Espagnols". Sépulvéda souhaite donc les utiliser comme esclaves, il les considère comme inférieurs puisqu'ils sont différents.

         Toutefois, Las Casas ne partage pas cet avis, selon lui, ils sont égaux mais ont des coutumes différentes. Il dénonce a travers "on nous chante une vieille chanson !" qu'il n'y a aucune évolution de l'esclavage dans le temps, rien n'a changé. Il se place dans cet extrait en défenseur des indiens notamment avec "et nous avons tout fait pour les y encourager !". 

     

    Analyse historique :

    -XVIe : Siècle d'Or en Espagne, conquête et colonisation de l'Amérique

    -Union de l'Espagne et du Portugal et des empires espagnols et portugais


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